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Pop Art, où sont les femmes ?

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Pop Art, où sont les femmes ? Posted on 3 décembre 2020

Dans la lignée de l’article sur le mouvement des Préraphaélites, nous allons aujourd’hui parler d’un courant artistique haut en couleur : le Pop Art. Mais laissons de côté les Campbell’s soup et partons à la découverte des femmes qui ont participé activement à ce mouvement et pas en tant que modèle. 

«Populaire, éphémère, jetable, bon marché, produit en masse, spirituel, sexy, plein d’astuces, fascinant et qui rapporte gros. »

Richard Hamilton

Le Pop Art naît dans les années 1950 en Angleterre sous l’impulsion de l’Independent Group, qui réunit des peintres ( Eduardo Paolozzi et Richard Hamilton), des architectes ( Alison et Peter Smithson) et un critique d’art (Lawrence Alloway). Mais l’expression “pop” apparaît dès 1947 dans le collage I was a rich man’s plaything ( J’étais le jouet d’un homme riche)  d’Eduardo Paolozzi, le cofondateur.

I was a rich man’s plaything, Eduardo Paolozzi, 1947

Ce pop art anglais, comme on peut le voir dans l’œuvre de Paolozzi, reprend des images de la culture américaine, du coca-cola à la Pin-up. C’est son empreinte à la culture populaire qui marque ce style et lui vaut son succès en Europe et en Amérique. 

Originaire de New-York, le Pop Art américain est quant à lui issu d’initiatives individuelles. Les artistes Robert Rauschenberg et Jasper Johns ouvrent le bal et utilisent alors l’imagerie de masse, affichant une nouvelle manière de s’intéresser aux objets ordinaires. Avec ce corpus, les artistes réalisent une satire du monde moderne, parodiant le rêve américain, la société de consommation, les médias de masses ou encore la publicité.

Regarder le Pop Art avec un œil féministe, c’est remarquer l’omniprésence de la femme dans les œuvres des artistes hommes et l’invisibilisation qui s’installe en parallèle pour les artistes femmes. Les femmes sont en effet présentes dans une multitude d’œuvres, on peut citer les Girls de Roy Lichtenstein ou les tableaux d’Andy Warhol représentant Marilyn Monroe. 

Crying girl, Roy Lichtenstein, 1964
Marilyn Monroe, Andy Warhol, 1967

Les artistes représentaient alors la femme dans sa modernité, elle qui dans les années 1960 commence à acquérir une certaine autonomie. Mais cette participation au mouvement de libération reste à nuancer. Le Pop Art continue à enfermer l’image de la femme dans une iconographie où prime la sexualité, l’émotion et le maquillage. Les femmes y sont alors idéalisées et fantasmées.

La figure phare de ce Pop Art américain : la Pin-up 

La Pin-up, “ l’image punaisée”, suscite un érotisme tout particulier, celui de “ la fille d’à côté”. Devenue une icône mondiale de la culture américaine dès les années 1930-1940 elle représente l’insouciance. Par sa plastique et les codes esthétiques qu’elle met en avant, la Pin-up est universelle et l’absence de distinction de classe sociale la rend extrêmement populaire. Une beauté que l’on peut “croiser au bureau, dans le quartier, chez l’épicier” (1). Cette image de la Pin-up se retrouve dans des œuvres américaines mais également étrangères comme en 1961 dans le travail de Richard Hamilton. Il s’inspire ici des images de magazines pour hommes comme Playboy et représente la Pin-up avec une poitrine en trois dimensions et un soutien-gorge en collage. 

Pin-up, Richard Hamilton, 1961

Des femmes adoptent l’esthétique Pop pour exprimer leurs revendications

Des artistes femmes vont participer activement au mouvement, sortant la femme du simple motif et mettant en avant de nouveaux matériaux. On pourrait citer Angela Garcia, Jana Zeliska, Pauline Boty ou encore Anna Maria Maiolino et Niki de Saint-Phalle. Mais aujourd’hui, nous allons découvrir l’œuvre de May Stevens et d’Evelyne Axell. 

May Stevens, pionnière dans le Pop Art américain voit dans ce mouvement un moyen de dénoncer le racisme, l’idéologie conservatrice, les pro-Vietnam ou encore la misogynie. Élevée dans une famille ouvrière de Boston, May Stevens devient une enseignante, une poétesse et une artiste engagée dès ses premières œuvres. Dans sa première exposition individuelle en 1963 intitulée Freedom Riders, elle s’inspire des militants pour les droits civiques qui ont parcouru le sud des Etats-Unis pour enregistrer les électeurs noirs. Cette exposition, loin des couleurs pop, est la première où la conscience politique de l’artiste a influencé le choix de son sujet. 

Freedom Riders, May Stevens, 1963

May Stevens crée par la suite le personnage pop de Big Daddy qui, inspiré par son père, représente la politique réactionnaire et patriarcale qui octroie tous les privilèges à un seul groupe. Son père, patriote et empreint de croyances conservatrices, est alors représenté comme une poupée qui peut soit être habillée en soldat, en policier, en bourreau ou en homme du Ku Klux Klan. May Stevens le représente nu, gonflé, avec une tête phallique rappelant la forme d’une balle, symbolisant la domination masculine et la violence qu’elle exerce. Le chien sur ses genoux, pourrait quant à lui, être un rappel du bouledogue, la mascotte des USMC (United States Marine Corps). En parodiant cette figure d’autorité, elle la rend impuissante, elle inverse les rôles et montre sa forte opposition à la guerre du Vietnam.

 Big Daddy Paper Doll, May Stevens 1970

Evelyne Axell est quant à elle une des rares représentantes du Pop Art en Europe. Cette plasticienne belge, qui recevra des conseils du célèbre peintre René Magritte, va être influencée par le travail des artistes new-yorkais dès 1960. Marquée par les événements politiques et sociaux, Evelyne Axell aborde dans ses travaux la guerre du Vietnam, le mouvement Black Panthers mais surtout la libération de la femme. Cette libération est évoquée par ses autoportraits qui sont souvent réalisés à partir d’une photographie qu’elle utilise comme telle ou avec un pochoir. Ces silhouettes lui permettent d’évoquer l’individualité féminine ou dans Les amies II, l’homosexualité féminine. Dans ce tableau, l’homme disparaît et laisse place à deux photographies de l’artiste qui semblent vouloir se confondre dans un baiser. Elle renverse dans cette œuvre autoérotique la relation traditionnelle de l’homme peintre et de sa muse en occupant les deux rôles.

Les amies II, Evelyne Axell, 1969

Son triptyque, Joli mois de mai, est perçu comme l’apogée de son engagement politique. Au centre, elle réalise en plexiglas un groupe de jeunes, dénudés, dominés par la silhouette d’une jeune femme brandissant un drapeau rouge. Elle fait ici référence à l’activiste Caroline De Bendern, surnommée la “Marianne de mai 68” par les médias et montre que le désir collectif apporte la liberté. Sur les panneaux latéraux, Evelyne Axell oppose un portrait de Pierre Restany ( critique d’art) pour montrer la libération des arts,  à sa propre personne représentée dénudée, un pinceau à la main. En se représentant ainsi elle montre sa propre bataille pour sa reconnaissance en tant que femme artiste. 

Joli mois de mai, Evelyne Axell, 1970

Les femmes qui mettent au centre de leur travail artistique leurs réflexions politiques et féministes sont nombreuses. Et ces dernières années les musées et les galeries commencent à s’y intéresser, à vouloir mettre en avant leur rôle au sein des mouvements traditionnels. Dans le cas du Pop Art, cette année le musée MAMAC de Nice ( jusqu’au 28 mars) nous propose de découvrir une cinquantaine d’artistes femmes des années 1960, mêlant Pop art et Nouveau réalisme. Ces initiatives culturelles permettent de montrer au grand public que l’Histoire de l’art, comme elle est écrite, cache souvent une toute autre vérité.

Pour aller plus loin :

Les Amazones Du Pop – She-Bam Pow Pop Wizz ! de Didier Semin, Géraldine Gourbe et Hélène Guenin

Artistes femmes de 1905 à nos jours de Camille Morineau

https://awarewomenartists.com/

(1) Camille Favre, « La pin-up US, un exemple d’érotisme patriotique », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 35 | 2012, 35 | 2012, 239-264.

1 comment

  1. Merci
    C’est vraiment très intéressant, je vais poursuivre cette découverte. C’est toujours bouleversant d’apprendre quelque chose de nouveau
    Encore merci
    Papido

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