Posted in Culture

Serait-ce la fin des divas?

Partager : Logo de Facebook Logo de Twitter
Serait-ce la fin des divas? Posted on 27 octobre 2021

Pourquoi l’apparence est-elle si importante dans le milieu de la musique ? D’où viennent ces injonctions à créer des idoles, idéaux de beauté et de talent, sexualisés à outrance, surtout chez les femmes ? Comment déconstruire ces injonctions, avec le risque de représailles que cela représente ? Les hommes et les femmes en sont-ils victimes de la même façon ? Qui sont les pionniers et pionnières à contrer les diktats de la beauté? À travers un rapide panorama des actualités musicales, essayons de comprendre cette révolution anti-divas.

Il y a une semaine, Angèle sortait un nouveau titre, baptisé « Bruxelles je t’aime ». L’occasion de questionner notre perception des femmes dans la musique. Angèle, la nouvelle « Brigitte Bardot », frange blonde et visage d’ange, poupée lanceuse de mode, a pourtant donné à de nombreuses reprises des coups de pieds dans la fourmilière médiatique : à coup de tubes féministes, dénonçant les violences sexistes, l’obsession démesurée pour l’argent et la gloire, ou encore l’image mensongère que l’on donne à voir de nos vies dans les réseaux sociaux, provoquant jalousie et surenchère. Dans son clip « Balance ton quoi », inscrit dans le sillage de « Me Too », on la retrouve donnant une leçon de respect à des hommes quelle que soit l’apparence des femmes. Elle apparaît également avec des aisselles velues, comme beaucoup de femmes se sont amusées à faire sur les réseaux sociaux, les assumant avec fierté.

La chanteuse Angèle dans son clip « Balance ton quoi »

Qu’est-ce que cela nous dit de cette nouvelle génération d’artistes ? Car si leur image peut rester contrôlée et lissée, il y a une réelle envie de remettre en cause les diktats de la beauté, bien inscrits dans le milieu artistique et notamment la musique.

La naissance des premiers « sex-symbols »

Si nous remontons un peu dans le temps, les premiers sex-symbols de la musique sont apparus vers les années 60, avec le rock’n roll d’Elvis et son fameux déhanché, puis les Beatles, les Rolling Stones, Jim Morrison et autres Prince. Une sensualité qui va choquer par ailleurs les mœurs les plus prudes. Ces stars qui se révèlent par leur art, et dont la beauté n’est pas sans lien avec leur popularité et leur pouvoir de séduction à travers la danse, le chant, le show, vont peu à peu donner des idées aux producteurs de musique.

Elvis Presley

Peu de temps après, dans les années 80-90, les idoles deviennent légion avec les boys and girls band en premier lieu et le génération Disney Channel, véritables produits marketing. On pense à Justin Timberlake, Robin Williams, Britney Spears, Christina Aguilera, Madonna… Ces pépites, souvent jeunes, sortant du lot pour leur voix et leur physique idéal, sont propulsés sous le feux de la rampe par des producteurs musicaux bien décidés à leur construire un personnage sur-mesure : partant de petites filles et de petits garçons modèles, ils deviendront des hommes et des femmes sulfureux.ses, jouant de cette hyper-sexualisation pour pouvoir s’émanciper et grandir aux yeux du public. Pourtant, qu’ils soient enfant de cœur ou hommes/femmes fatals, leur image sera sans cesse instrumentalisé pour vendre plus de disques, leurs qualités physiques sans cesse mises en avant.

Britney Spears

Beauté indispensable pour exister dans la sphère publique?

L’importance de la beauté, est un véritable débat dans la sphère publique, car si la définition de chacun est subjective, il est quand même démontré qu’une certaine beauté objective, se traduisant par l’harmonie des traits, est une plus-value dans tous les aspects d’une vie humaine : le travail, les relations sociales et sentimentales… Cela étant dû à notre inconscient d’homo sapiens, traduisant de l’omniprésence du besoin mutuel de séduction, cherchant sans cesse le meilleur parti esthétique, et étant rassurés de l’absences de pathologie chez un être relativement symétrique. Cela est particulièrement vrai pour les personnes exposées, et donc tout le milieu artistique.

Mais si hommes comme femmes sont concernés d’une certaine manière par cette réalité, les femmes en sont d’autant plus victimes du fait qu’elles demeurent dans l’inconscient collectif objet de désir destiné aux hommes. Leur physique est sans cesse décortiqué, mis en avant dans la presse féminine, comme premier compliment censé les rassurer sur leur légitimité à exister dans toutes les sphères sociales. On pense alors à des personnalités comme Céline Dion ou Amy Whinehouse qu’on a fortement incité a corriger leur apparence: appareil dentaire, régime, coloration de cheveux… Les photos « avant-après » sont particulièrement troublantes, et sont la cause de beaucoup de complexes pour un public non averti: que penser de ces hommes et femmes sublimes quand on ne sait pas qu’ils et elles sont comme nous, mais entouré(e)s des meilleurs soins, en partant des chirurgiens esthétiques, maquilleurs et autres retoucheurs photos ?

Céline Dion

Quel meilleur exemple que la polémique autour de la chanteuse Hoshi, et du commentaire abject d’un chroniqueur musique sur la webradio Arts-Mada le mercredi 7 avril 2021. Pour rappel, Fabien Lecoeuvre a déploré lors de cette émission l’absence de « beaux chanteurs » et des « belles chanteuses » à l’image des Françoise Hardy et Vanessa Paradis jeunes. Non content de faire à la fois dans une même phrase du sexisme et de l’âgisme (suggérant que les femmes sont faites pour être jeunes et belles, avant d’être non viables), Lecoeuvre suggèrent que les femmes non belles ne devraient pas avoir le droit d’être exposées, qualifiant au passage Hoshi «  »d’effrayante ». Les réactions ne se sont pas faites attendre, et de nombreuses personnes, dont des personnalités publiques, se sont empressés d’afficher leur soutien sur les réseaux sociaux, par des commentaires scandalisés ou en se filmant en train d’accorcher des posters d’Hoshi dans leur chambre.

Et si les sublimes Rihanna et Beyoncé ont néanmoins permis un pas en avant vers plus de tolérance de physiques, passant des jeunes filles blondes ultra minces à des femmes métisses plantureuses, il reste encore du chemin pour une réelle diversité.

Le début d’un combat

Aujourd’hui, le grand pas en avant, c’est de remettre en cause cette injonction à répondre aux diktats de la beauté : les chanteuses comptent bien déconstruire les assignations genrées et les injonctions sociales, bien qu’il leur en coûte encore des réflexions haineuses. Des femmes comme Billie Eillish, décidant de couvrir son corps pour ne pas avoir de remarques, et qui en subira les conséquences au moment de se dévoiler dans la couverture du Vogue de juin 2021 ; des femmes comme Safia Nolin, dont le physique androgyne et l’absence d’envie de correspondre aux standards de beauté féminins la rend cible de commentaires humiliants et d’insultes sur les réseaux sociaux (qu’elle s’empresse de dénoncer) ; des femmes comme Yseult, qui déclare dans la Boîte à Questions sur Canal +, « Je suis putain de noire, je suis grosse, et je suis belle » ; des femmes comme Pomme, qui assume de  ne pas vouloir se maquiller et met en avant la figure de la sorcière (très reprise dans les luttes féministes) à travers son « iconique mèche blanche ». Certaines de ces femmes défendent aussi inconsciemment la diversité et la tolérance envers toutes les orientations sexuelles, comme l’homosexualité qu’elles refusent de cacher sans en faire un étendard.

Message adressé à Safia Nolin, qu’elle-même a publié dans sa story instagram (26/10/2021)

Que ce soit par le refus de correspondre aux injonctions à la féminité, ou en assumant son corps tel qu’il est, avec sa sensualité et sa sexualité, ces femmes sont critiquées pour tenter de rénover un monde où la seule valeur semble être le physique, et que seuls d’autres qu’elles devraient avoir le droit de contrôler. Au prix d’humiliations et de retours haineux, elles tentent de rappeler que la musique, c’est pour les oreilles, et que le physique, c’est pour les cons.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *