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Bulle philo n°1 : Platon

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Étudiante en Master de Philosophie à l'Université de Nantes.
Bulle philo n°1 : Platon Posted on 24 février 2020
Étudiante en Master de Philosophie à l'Université de Nantes.

Ce grand philosophe de la Grèce antique est bien souvent considéré comme le « Big Bang » de la pensée philosophique telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ce sont ses écrits, qui sont par ailleurs en grande partie des dialogues, qui ont donné naissance aux questionnements fondamentaux de la philosophie ; de plus ils représentent le socle d’une vraie méthode de discussion et d’interrogation. La philosophie était déjà présente, d’une certaine façon, avant lui (prenons par exemple Héraclite, par qui il est grandement influencé, ou encore Parménide et Pythagore), cependant c’est grâce à lui que nous pouvons faire de la philosophie comme nous la pratiquons aujourd’hui. Il est à la source de thèses qui seront discutées au fil des siècles, même encore aujourd’hui.

Platon, de L’École d’Athènes, Raphaël, 1508-1512

Points biographiques rapides : Platon, né sous le nom d’Aristoclès autour de -427, est issu d’une famille réputée dans le domaine de la politique. Il a deux frères, Adimante et Glaucon, qui seront deux des personnages centraux d’une œuvre phare : la République. Il s’intéressera donc à la politique, mais sera rapidement déçu des différents gouvernements (l’oligarchie et la démocratie). Il rencontrera un personnage qu’il qualifie lui-même d’ἄτοπος (en grec ancien, à lire atopos), c’est-à-dire atypique, qui lui partagera son savoir philosophique. Cet étrange être est donc le noyau, le germe et la racine de toute la pensée platonicienne, mais nous y reviendrons juste après. Malheureusement, ce personnage excentrique sera condamné pour corruption à la jeunesse et pour non-reconnaissance des dieux vénérés, ce qui entraînera son procès et sa mort en -399. Platon décide alors de ne plus prendre part à la politique d’Athènes, et fonde l’Académie (car située auprès du tombeau d’Académos) qui sera une école de philosophie, mais aussi de mathématiques, et aura de nombreux objectifs pratiques (comme celui de créer un gouvernement philosophique). Ce lieu de partage et de discussion aura eu comme élève le grand Aristote, philosophe fondamental de la philosophie grecque antique. Platon meurt en -347, sans avoir eu de partenaire ou d’enfant.

Platon n’est pas tombé dans la philosophie du jour au lendemain par hasard. Non, il était « fan » d’un homme étrange (comme nous l’avons déjà introduit précédemment), se baladant pieds nus dans le centre d’Athènes, invitant les personnes dont il croisait la route à discuter avec lui : Socrate. Comme nous l’avons déjà dit, Socrate est la clé de toute la pensée de Platon, c’est grâce à lui et à sa relation avec le jeune Platon que nous pouvons comprendre l’évolution et les contenus de la philosophie platonicienne. En fait, il serait juste de se demander : que serait Platon sans le seul et unique Socrate ? C’est en effet lui le personnage principal des œuvres de Platon, c’est lui qui insuffle de nombreuses thèses à la plume platonicienne, c’est aussi de par sa vie et sa mort que Platon change de perspective au fil de ses dialogues. En effet, il explore des thèmes épistémiques et cosmogoniques après avoir étudié des questions éthiques, pour enfin aboutir à une pensée plus métaphysique. C’est pourquoi il est important de savoir distinguer le Socrate historique du Socrate de Platon, celui qui est le « héros » des textes platoniciens. Le Socrate de ses premières œuvres est très certainement fidèle au Socrate authentique, mais celui des dernières œuvres s’en éloigne, car c’est aussi le moment où un Platon plus mature s’affirme et s’écarte d’une philosophie et d’une méthode purement socratiques. Tout cela pour dire que Socrate est central pour comprendre qui est Platon et quelle est sa philosophie.

Socrate, de La mort de Socrate, Jacques-Louis David, 1727

Revenons sur ses dialogues : il paraît surprenant que des écrits théoriques, présentant des thèses fondamentales, soient sous forme de dialogue. Surprenant certes, mais au final, la philosophie n’est-elle pas le lieu de prédilection pour la discussion ? Grâce à cette forme atypique, la philosophie platonicienne est dynamique, elle se meut au travers des divers interlocuteurs, c’est un réel échange. Entre la pièce de théâtre, l’interview et le débat, ces dialogues sont la parfaite illustration de l’Académie : il y a une visée pratique dans chaque question, chaque recherche. C’est là une trace de l’héritage socratique, c’est l’indice de l’influence de Socrate sur le jeune Platon. C’est pourquoi les premiers dialogues sont l’image parfaite de la méthode socratique : à savoir partir d’une question, « qu’est-ce que… » (τί ἐστι en grec ancien, à lire ti esti, qui peut aussi signifier l’essence d’une chose). C’est le point de départ de cette méthode, comme par exemple « qu’est-ce que l’âme ? ». Ensuite, Socrate interroge son ou ses interlocuteur(s) : il leur tire les vers du nez pour le dire vulgairement, c’est-à-dire qu’il les fait se questionner, il est le guide qui leur permet de répondre (ou du moins de proposer une réponse), il est celui qui leur permettra de se remettre en question au fil du dialogue, afin de proposer une toute nouvelle définition, et ainsi de suite. Il est un accoucheur des esprits, il exerce l’art de la maïeutique, qui n’est autre que celui de la sage-femme (métier qu’exerçait la mère de Socrate). Et enfin, cette méthode se termine souvent sur l’absence de réponse, ou plutôt sur l’absence d’une réponse satisfaisante puisqu’ils ont passé en revue de nombreuses réponses (souvent réfutées par Socrate au moyen d’arguments simples et efficaces). Nous parlerons donc de dialogues aporétiques, autrement dit des dialogues sans réponse. Ainsi, les premiers dialogues sont très vivants, ils bougent dans tous les sens, et l’absence de réponse satisfaisante n’est pas le signe d’une mauvaise réflexion : ce n’est pas la réponse qui compte ici mais bien les questions qui ont été soumises à l’examen.

Quelles sont ses principales thèses ? Nous pouvons dire sans trop d’hésitation que sa théorie la plus importante, la plus discutée et la plus controversée n’est autre que celle des Formes. Cette thèse propose un monde supérieur au nôtre, celui des Formes (εἶδος en grec ancien, à lire eidos), qui serait le modèle de toutes les choses que nous connaissons ici-bas. Les Formes, qui ont donc d’une part un rôle paradigmatique, sont ce par quoi nous connaissons les choses, ce qui leur confère d’autre part un rôle épistémique. Par exemple, il existerait une Forme du Beau (le beau en-soi), ou encore du Bien, mais aussi du Large, de l’Humain, etc. Nous pouvons dire qu’une chose est juste parce qu’il existerait une Forme du Juste en-soi. Or, comment connaître ces Formes si elles sont dans un monde supérieur ? La réponse de Platon est très souvent mise à mal : cette connaissance serait en fait l’objet d’une réminiscence, d’une remémoration. En effet, avant notre naissance dans la vie actuelle, dans un état désincarné, nous aurions connu les Formes, nous les aurions aperçues de très près. Ainsi, le philosophe serait celui qui arrive à se souvenir, qui parvient à exercer la réminiscence afin de comprendre ce que sont ces Formes et ce qu’elles impliquent dans le monde ici-bas. Le philosophe est, en quelques mots, celui qui réussit à contempler le monde des Formes à partir de notre monde. Cette thèse métaphysique constitue le socle de sa pensée mature. Avant de parvenir à une théorie si complexe, il s’est intéressé à des problèmes plus éthiques, comme par exemple la connaissance de ce qu’est la vertu, le bien, ou encore la cité idéale.

Vous voulez désormais lire Platon, mais ne savez pas par où commencer ? Je vous conseille par exemple le Phédon qui relate les derniers moments de Socrate avant qu’il ne boive la ciguë (poison souvent utilisé en Grèce antique pour les condamnés à mort), dialogue dans lequel seront discutés des thèmes comme la très réputée possibilité de l’immortalité de l’âme. Si vous voulez un texte plus divertissant (et sincèrement plus marrant), je vous recommande le Banquet qui, comme son nom l’indique, fait le récit d’un fameux banquet athénien où les interlocuteurs décident de faire l’éloge de l’Amour à tour de rôle.

Étudiante en Master de Philosophie à l'Université de Nantes.

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