Le corps pailleté, les traits du visage transformés par le maquillage, des performances scéniques osées et décomplexées, la capitale française regorge de lieux atypiques où assister à des numéros de drag queens et de drag kings. De plus en plus mainstream le drag s’enchante à croiser les arts de la scène, la performance et la subversion.
Pourquoi est-il important de parler du drag en 2020 et comment peut-on expliquer sa popularisation ? Quelle(s) résonance(s) la culture drag a aujourd’hui ? Quels sont les liens entre le drag et les arts (du spectacle) ? Quels sont les rapports entre drag, genre et politique ? Autant de questions auxquelles cette série d’articles va essayer de répondre en commençant peut être par la plus basique :
QU’EST CE QUE LE DRAG ?
Étymologiquement parlant
Difficile de trouver une origine bien définie du mot drag. Ses premières utilisations remonteraient au milieu du XIXe siècle en Angleterre où il désignait le jupon (le mot s’est ensuite transformé en pettycoat).
On peut aussi la chercher dans la culture théâtrale shakespearienne du XVIIe siècle. À cette époque les femmes n’avaient pas le droit de monter sur scène, c’est donc les hommes, habillés en femme, qui jouaient leurs rôles. Le mot DRessed As a Girl (habillé comme une fille) était utilisé dans les notes des pièces pour désigner un acteur déguisé en femme.
Les anglicistes l’auront deviné.e.s, le mot peut aussi renvoyer au verbe to drag (laisser traîner) qui était particulièrement utilisé pour désigner les travestis qui laissaient traîner leurs jupons sur le sol.
Qu’est qu’une drag queen et un drag king ?
Même s’il existe de multiples variantes dans le monde drag, les figures que l’on rencontre le plus souvent sont celles de la drag queen et du drag king.
La drag queen est une personne, souvent attribuée¹ au genre masculin en raison de son sexe, qui va provisoirement endosser un rôle féminin en utilisant des procédés tel que le tucking qui va servir à cacher les attributs sexuels masculins et le padding qui est un rembourrage de mousse qu’utilisent les drag queens pour marquer les hanches, les seins et les jambes. Par la suite la drag queen va se servir de maquillage, de perruques, de vêtements assignés au genre féminin tel que des robes, des bodies, des collants, des chaussures à talons pour parfaire son rôle.
Le drag king est une personne, souvent attribuée au genre féminin en raison de son sexe, qui va provisoirement endosser un rôle masculin grâce à des procédés tels que le binding qui consiste à aplatir les seins avec des bandes achetées en pharmacie ou du cellophane. À l’aide de bas ou d’un préservatif et du coton, les drag kings se fabriquent un « service trois pièces », un faux pénis. Les drag kings ont également la possibilité de se faire une barbe et une moustache grâce à du mascara ou en appliquant de la crème ainsi que des poils synthétiques. C’est seulement après que les drag kings enfilent des vêtements assignés au genre masculin (costumes, chemises avec cravates, bérets …).
Une dimension à la fois politique et artistique
Parce que « Toutes les questions de genre, en fait, sont des questions politiques »², la pratique drag est forcément politique. Certes on peut rire, crier, pleurer, être tout émoustillé en regardant un numéro drag mais monter sur scène en portant des vêtements, en étant maquillé.e.s, en exagérant les comportements assignés à un genre est aussi un moyen de contester une construction sociale qui enferme les hommes et les femmes dans leurs définitions respectives de masculinité et féminité.
Pour ce qui est de la dimension artistique du drag, c’est du côté de la performance qu’il faut se tourner. La performance va utiliser le corps comme outil premier de création artistique et comme contestation de l’ordre social. Sa forme hybride permet donc à la drag queen ou au drag king de s’emparer de différents procédés utilisés dans les arts tel que le maquillage, la danse, le théâtre, l’habillage pour constituer sa propre création et son propre personnage.
La pratique drag s’inscrit dans une démarche de libération de l’identité et du genre ainsi que dans une ouverture à de nouvelles formes d’arts scéniques qui sont également des moyens de revendication politique.
¹ L’utilisation des mots « souvent attribuée » est justifiée par le fait qu’il n’y a aucune obligation d’être un homme cisgenre (qui est en accord avec son genre) pour devenir une drag queen. De même, les drag kings ne sont pas forcément des femmes cisgenre. Il existe des femmes et hommes transgenre et qui performent en drag queen et king. Des hommes cisgenres peuvent également être des drag kings et des femmes cisgenres des drag queens.
² TUAILLON Victoire, Les Couilles sur la table, Binge Audio Édition, 2019, p.12